Entre 2021 et 2024, le nombre de signalements reçus à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a doublé. Une augmentation qui pose question et inquiète autant les autorités sanitaires que les associations d'aide aux victimes.
Les dérives sectaires sont en forte recrudescence depuis quelques années et continuent particulièrement de toucher le domaine de la santé, puisqu'elles représentent 37 % des signalements, d'après le dernier rapport d'activité de la Miviludes publié en avril. Pour tenter de comprendre les raisons de ce phénomène, en France, Jean-Paul Péquot*, l'un des nombreux bénévoles du Centre contre les manipulations mentales en région (CCMM), nous explique ce que sont les dérives sectaires et comment s'en prémunir.
Qu'est-ce que le CCMM pour lequel vous œuvrez ?
Le Centre contre les manipulations mentales est une association qui est destinée à apporter assistance aux victimes de manipulations ou d'escroqueries. Cette structure s'est organisée avec le temps, et aujourd'hui, nous avons un siège situé à Paris, et plusieurs représentations en région.
Le CCMM fait remonter les informations récoltées par ses équipes à la Miviludes, une institution qui dépend du ministère de l'Intérieur.
Qu'appelle-t-on dérives sectaires ?
On parle de dérives sectaires et non de sectes car il s'agit plus de juger un comportement plutôt que de l'agissement immédiat. La dérive sectaire existe dans énormément de domaines, dont celui de la santé. Elle est caractérisée par un comportement délictueux qui, à l'origine, est favorisé par une manipulation mentale d'un ou de plusieurs individus au bénéfice d'un être ou d'un groupe. La manipulation mentale a lieu quand une personne est susceptible d'être captée par une structure, un média, quelqu'un qui fait du porte-à-porte, etc. Les coupables de dérives sectaires ressentent les personnes malléables, et leur apportent des explications sur leur situation. C'est-à-dire que c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre, de la société, du gouvernement, de la religion, des parents, des ancêtres. On déconstruit ce que ces individus ont dans la tête et on leur introduit un passé fictif, c'est ce qu'on appelle les souvenirs induits. Or, les personnes ayant des problèmes de santé ou ressentant un mal-être peuvent être amenées à consulter de faux thérapeutes, des soi-disant experts en médecine douce, massages de bien-être, ou cachets faits sous le manteau selon une recette traditionnelle qui a fait ses preuves il y a des millénaires...
Quel comportement doit alerter ?
Il faut s'alarmer quand la personne tente de vous couper de votre famille. Les époux, les enfants, les parents se rendent compte immédiatement qu'il y a un bouleversement. Il s'agit toujours du même scénario. Ce sont les proches qui s'aperçoivent de quelque chose, jamais la personne concernée.
Quelle est alors la politique de lutte contre les dérives sectaires ?
Aujourd'hui, la seule solution est la prévention. Elle seule permet d'informer, d'attirer l'attention, de vulgariser à l'aide de conférences, en se rendant dans des établissements de santé et scolaires, et en incitant l'entourage des victimes à nous appeler, même en cas de doute. Nous devons être extrêmement vigilants tout en prenant les précautions d'usage car nous n'avons pas l'autorité. De plus, les libertés de chacun et intellectuelles existent, on ne peut pas passer outre, donc nous sommes sans cesse sur le fil du rasoir. On ne peut qu'alerter, essayer de faire comprendre, et dans les cas les plus graves, faire remonter la situation à la Miviludes. Toutes ces actions sont essentielles car il faut faire face au succès grandissant de ces faux thérapeutes.
Justement, le rapport de la Miviludes indique qu'il y avait 2160 signalements en 2015, contre 4571 l'an dernier... Quelles sont les raisons d'une telle augmentation ?
Cette recrudescence est d'abord liée au Covid. La population a été enfermée pendant des mois, avec pour seule fenêtre sur la vie et le monde les médias, dont internet. On a été martelés de discours marketing sur la médecine holistique ou énergétique par exemple. Le contexte social a donc fragilisé tout un chacun, créant un besoin exponentiel de spiritualité et les réseaux sociaux n'ont fait que creuser la brèche. Aujourd'hui, on voit la place des influenceurs. Ces personnes n'ont pas forcément de compétences, utilisent un langage ésotérique ou complètement absurde, et arrivent à gagner de l'argent. L'appât du gain est aussi une raison de cette augmentation. Les charlatans veulent gagner plus d'argent qu'avec leur propre métier, donc ils l'abandonnent et deviennent thérapeutes en seulement quelques mois grâce à des stages, mettent une belle plaque de cuivre sur la porte, non reconnue par la profession, et le tour est joué.
Des sites utiles
Si vous connaissez un proche victime de dérives sectaires ou pour tout renseignement, rendez-vous sur le site de la Miviludes : www.miviludes.interieur.gouv.fr ou sur celui du Centre contre les manipulations mentales : www.ccmm.asso.fr.
* Le nom a été modifié.