Jouant tant sur l'effet de surprise que sur une expérience de dégustation travaillée, les trompe-l'œil ont la cote en cuisine. Zoom sur un phénomène viral qui ne semble pas près de s'essouffler.
La gourmandise appartient-elle à ceux qui se lèvent tôt ? Pour espérer goûter aux précieux trompe-l'œil de Cédric Grolet, pâtissier attitré du palace parisien Meurice, passé maître de l'illusion dans ses propres boutiques, il vous faudra en tout cas patienter plusieurs heures. Et débourser un peu plus d'une quinzaine d'euros pour son fameux citron jaune, un entremets à base de gel, confit et ganache citron, ressemblant comme deux gouttes d'eau à l'agrume susnommé. Plus vrais que nature, ces dressages surprenants ne sont cependant pas réservés aux Franciliens : partout dans l'hexagone, la cuisine se veut désormais aussi goûteuse que ludique, et de nombreuses enseignes jouent la carte bien vue du trompe-l'œil.
L'effet de surprise
Si ces réalisations surprenantes sont aussi populaires, c'est en partie parce qu'elles jouent sur le plaisir qu'il peut y avoir à se laisser berner. Après tout, qui n'aime pas une surprise, surtout lorsqu'on sait l'issue positive ? Ainsi, tout en ayant conscience qu'il s'agit d'une pâtisserie que l'on s'apprête à déguster (le temps d'attente se charge de le rappeler), notre vue continue de nous jouer des tours.
Dès 2018, Xavier Grosmaitre, directeur de recherche au CNRS, décryptait ce mécanisme dans les colonnes du Parisien : « La notion de surprise est importante, elle contribue à augmenter les sensations, à renforcer l'activation de réseaux de neurones. Et, comme la surprise est sucrée, elle est d'autant plus agréable, car le sucre met en route les circuits de la récompense dans le cerveau. »
Un phénomène viral
Forcément, les réseaux sociaux, de même que les programmes télévisés, sont friands de ce genre de coup de théâtre, augmentant encore la popularité de ces tours de passe-passe culinaires. Pas une saison du concours culinaire Top chef sans l'épreuve désormais mythique des trompe-l'œil, dont l'apparence parfois non comestible détonne d'autant plus avec leur goût raffiné. Netflix diffuse pour sa part Is it cake ? qui repose sur une question à 10 000 $ : parmi les cinq objets présentés aux candidats, lequel est un gâteau ?
Mais les trompe-l'œil ne s'adressent pas seulement aux becs sucrés. Depuis 2013, à Paris, le premier restaurant dédié à cet art concocte des entrées et des plats à la présentation savamment étudiée pour ressembler à des douceurs. Au bien nommé Privé de dessert, on peut ainsi déguster une épaule d'agneau confite, déguisée en brownie ou encore un café liégeois, qui s'avère être un velouté de champignon et châtaigne. Une expérience totale que les fondatrices proposent désormais de reproduire chez soi grâce à leur livre de recette Cuisine en trompe-l'œil, paru en 2024 aux éditions Marie Claire.
À vous de jouer !
On peut tout à fait recréer ces leurres gustatifs à la maison, en suivant des recettes glanées dans des livres, sur les réseaux sociaux ou en se laissant tout simplement aller à sa propre créativité. Un dressage qui change peut d'ailleurs permettre de redécouvrir sous un nouveau jour des produits que l'on n'a pas l'habitude de consommer. Dans un article publié en 2015 à propos du chef basque Andoni Luis Aduriz, Libération soulignait d'ailleurs la dimension pédagogique d'un de ses plats signature, l'étonnant macaron chocolat… au boudin noir. Avant de se lancer, on gardera toutefois en tête que le soin de l'apparence ne doit pas se faire au détriment du goût. La présentation est pour ainsi dire la cerise sur le gâteau – à moins qu'il s'agisse d'un faux !