La fève met son grain de sel

De la simple fève légume, le célèbre sujet de la galette des rois est devenu un véritable objet de convoitise. Les « fabophiles » n'ont de cesse d'accroître leurs collections en constituant des séries entières sur un même thème ou en recherchant des modèles particulièrement rares.

Depuis la préhistoire, la fève légume est cultivée et consommée couramment. On l'utilise comme aliment et comme engrais pour fertiliser le sol dans lequel elle a été semée. Dans les rites antiques, sa forme d'embryon lui conférait un pouvoir symbolique fort lié à la fertilité de la terre. Au temps de l'Égypte ancienne, le champs de fèves était le lieu où les morts attendaient la réincarnation. Au Moyen Âge, la fonction alimentaire de cette nourrissante légumineuse était importante puisqu'elle symbolisait la vie. À cette époque, elle était présente lors des cérémonies de mariage et servait également de jeton de vote.

La fève jeton de vote

La fève servait déjà de jeton de vote chez les Grecs qui utilisaient alors des variétés blanches ou noires selon qu'il s'agissait d'une condamnation ou d'un acquittement. Avant le christianisme, les fêtes étaient nombreuses autour du 25 décembre, les plus connues étant les Saturnales, célébrées à Rome en l'honneur de Janus et de Saturne. Elles célébraient le solstice d'hiver. Lors de cette célébration, de somptueux banquets accompagnés de jeux étaient organisés. L'un de ceux-ci consistait à désigner le roi du festin qui pouvait être un esclave. Maîtres et serviteurs échangeaient alors leurs rôles et leurs vêtements respectifs. Le nouveau monarque donnait des ordres fantaisistes et se faisait servir par les maîtres. Pendant sept jours, tout était permis. Le roi pouvait même être choisi parmi les condamnés à mort, être déguisé et prendre part aux festivités avant d'être décapité. C'est la fève qui décidait !

La fête religieuse

Lorsque l'église catholique s'impose pour mettre fin aux rites païens, l'épiphanie apparaît : elle correspond à la date d'arrivée supposée des rois mages qui viennent d'Orient pour adorer l'enfant Jésus et lui offrir en présent l'or, l'encens et la myrrhe. Dans une charte datée de 1311, l'évêque d'Amiens (Robert) décrit le gâteau de l'épiphanie comme une pratique courante, mais c'est durant le XVe siècle que se répand la coutume de la galette traditionnelle telle que nous la connaissons de nos jours.

La galette de l'égalité

Sous la Convention, la galette porte le nom de « galette de l'Égalité » et la fête des rois est rebaptisée « fête des Sans-Culotte. ». La fabrication de la galette fut même interdite aux pâtissiers en 1793. Malgré toutes ces vicissitudes, la tradition perdure encore aujourd'hui.

La fête de l'Épiphanie au début du XIX^e siècle

Tirer les rois à cette époque était un rite familial : c'est le père de famille qui était chargé de découper la galette en autant de parts que de convives, sans oublier la part du pauvre. L'enfant le plus jeune se cachait sous la table pour désigner la portion de chacun. Tout le monde se devait de manger son morceau de galette qui était censé protéger des mauvais esprits. Celui qui trouvait la fève devenait le roi ou la reine. L'élu(e) était alors tenu(e) de jeter sa fève (une vraie fève légume qui pouvait à la limite être un haricot) dans le verre de l'élu(e) de son cœur. Ce choix empoisonné embarrassait les moins aisés puisque le roi ou la reine se devait d'offrir un présent à son ou à sa bien-aimé(e) dès la semaine suivante. Pour échapper à ce coûteux privilège, certains préféraient avaler la fève. C'est pourquoi apparut à la fin du XIX^e siècle, avec l'ère de l'industrialisation, la mode de la fève bibelot, beaucoup moins digeste…

La fève en porcelaine

La première fève en porcelaine apparaît en Allemagne vers 1874. Ce sont d'abord les thèmes religieux qui ont la cote (enfant Jésus, crèches, anges, colombes…). À partir de 1892, la diversification commence : c'est l'âge d'or de la fève polychrome en porcelaine. Le religieux fait place à la royauté (couronnes, rois, reines…), puis aux porte-bonheur (fers à cheval, trèfles à quatre feuilles…) et enfin aux objets usuels ou aux personnages de dessin animé et de bande dessinée.

Les dernières trouvailles

Dans les années 1960, apparaissent des fèves en matière plastique, puis vers 1980, des fèves métalliques qui ne résistent guère à la nouvelle mode des fours à micro-ondes ! Elles ont très vite été abandonnées au profit des fèves en porcelaine qui revenaient alors en force. Au milieu des années quatre-vingt, certains boulangers ou pâtissiers faisaient fabriquer des fèves personnalisées en nombre limité. Ces modèles rarissimes possèdent aujourd'hui une grande valeur pour les fabophiles qui se les échangent à prix d'or (certaines atteignent 500 à 2 000 €). Actuellement, on trouve des fèves sur tous les thèmes (animaux, art, histoire, pays, régions, musique, cinéma…).

Où se les procurer ?

On peut trouver des fèves de collection dans les vide-greniers, les brocantes, les bourses spécialisées ou sur des sites de vente en ligne.