Si tous les pastis sont à base d'anis étoilé et contiennent 45 % d'alcool, ils diffèrent par leurs mélanges de plantes aromatiques. Tour d'horizon…
La naissance du pastis* à Marseille ne doit rien au hasard. Dans les années 30, le commerce des épices et des plantes aromatiques était florissant en Provence. Mais, depuis, bien des variantes ont vu le jour, se répandant, au gré des vents estivaux, à travers toute la France. Petit inventaire avant les premiers apéros…
Pas de pastiches chez les pastis !
Le Casanis, très prisé des puristes, doit son goût original à un mélange d'anis vert et d'anis étoilé. Plus marqué par l'anis, il s'arrondit par une touche de caramel. Ce pastis artisanal, fabriqué à Gémenos, près d'Aubagne, ne se trouve pas partout, mais ses inconditionnels n'échangeraient leur « Casa » pour rien au monde : à boisson plus distinguée, distribution plus limitée ! D'une couleur plus verdâtre qu'ambrée, sa robe rappelle celle de l'abstinthe.
Le Pernod de Paris... inutile d'en faire tout un pastis, c'est une anisette. L'anis utilisé n'a pas macéré. Il ne peut donc afficher ni l'appellation pastis ni une fabrication marseillaise… puisqu'il est fabriqué à Paris. Le Pernod est plus exactement l'ancêtre de l'absinthe, aujourd'hui disparue et remplacée depuis peu par l'Absenthe, une édition revisitée, mais néanmoins intéressante de l'élixir si cher à Baudelaire. À consommer, bien entendu, avec un morceau de sucre, sur une cuillère ajourée...
Les querelles de clocher entre « pro-51 » et partisans du « Ricard sinon rien » resteront sans fin. En effet, aucun des deux pastis du groupe Pernod-Ricard n'affiche les secrets de sa composition. Difficile donc de les départager objectivement. Tous deux peuvent se targuer de l'appellation pastis.
Ricard, le mastodonte des ventes en France, laisse une empreinte gustative plus puissante sur la sensation d'alcool. Moins centré sur l'anis, il propose une touche de réglisse très dominante sur les arômes d'herbes. Le Pastis 51, son rival historique, est prisé des amateurs pour son équilibre moins sucré. Il offre des saveurs qui ne noient jamais le goût de la badiane (ou anis étoilé), dont les puristes disent qu'elle est et doit rester l'essence même du pastis.
Le pastis Janot est fabriqué à Aubagne. C'est un pastis très populaire dans le Sud alors qu'il pâtit d'une distribution plus confidentielle dans le reste du pays. Il se rapproche du 51 par son côté moins sucré. À l'instar du 51 encore, il existe dans une version bleue pour colorer vos apéritifs anisés sans en changer le goût.
Le pastis Henri Bardouin est une tentation plus gourmande cultivée sur les terres de Forcalquier, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Plus coûteuse aussi, puisqu'elle est commercialisé autour de 25 euros le litre quand ses concurrents oscillent entre 15 et 17 euros. Mais il s'agit d'un produit élaboré à partir de soixante-cinq ingrédients issus de Provence et du monde entier, selon des méthodes artisanales. Il laisse en bouche une note de tabac et exhale de riches arômes d'épices, parfois très poivrés, mais dont la rondeur est rendue par la cannelle et la cardamome. Seul pastis blanc car distillé sans colorant, il est bien plus sophistiqué, à défaut d'être plus populaire que le « jaune ». Un pastis de dégustation, en somme.
Conseils de dégustation
Que l'on soit « Casa », « 51 », « Ricard » ou « Janot », le dosage est d'un volume de pastis pour cinq volumes d'eau, à ajuster selon vôtre goût. Quant aux glaçons, c'est toujours en dernier !
Quelques recettes permettent cependant de varier les plaisirs et promettent un avant-goût d'été.
Le « perroquet » est un pastis auquel on ajoute un fond de sirop de menthe, de préférence pas trop sucré. Pour faire une « tomate », vous remplacerez la menthe par du sirop de grenadine, pour un contraste exotique et fruité. La « feuille morte » vous évitera de choisir entre menthe et grenadine puisqu'elle mélange les deux saveurs. Pour la « mauresque », vous verserez un lit de sirop d'orgeat au fond du verre, avant de le matelasser de pastis et de le gorger d'eau. Le goût de l'amande estompera l'amertume de l'anis. Mais si un petit brun ténébreux vous lorgne au comptoir, imprégné d'une forte odeur d'anis, il s'agit certainement d'un « mazout ». D'aspect et de nom peu avenants, il est le fruit d'une opération qui consiste à remplacer l'eau par du soda de type Coca-Cola. Hérétique ? Non si l'on se fie au provençal, puisque pastis signifie « mélange ». Mais en occcitan, il désigne aussi les « situations confuses ». À consommer et à composer, donc, avec modération.
Sachez enfin que le pastis escortera aussi bien le coin bar de votre salon que votre plan de travail côté cuisine. Redoutable outil de flambage des gambas et autres crustacés, il saura relever délicatement vos poissons cuits au bouillon. Son association avec le fenouil et le safran, dans une lotte à la provençale, surprendra vos invités par des subtilités insoupçonnées. S'ils en redemandent, remplacez donc le rhum de votre pâte à crêpes par un bouchon de ce savant breuvage.
* L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.