Prévue pour les Jeux olympiques 2024, la vidéosurveillance algorithmique est prolongée jusqu'en 2027, ravivant le débat entre sécurité et libertés publiques. L'exception deviendrait-elle la règle ?
Lorsqu'elle a été introduite en France dans le cadre des Jeux olympiques de Paris 2024, la vidéosurveillance algorithmique (VSA) était présentée comme une mesure exceptionnelle, limitée dans le temps et strictement encadrée. Cette technologie, capable d'analyser en temps réel les images captées par des caméras pour détecter des mouvements de foule, des comportements jugés suspects ou des objets abandonnés, devait cesser d'être utilisée après le 31 mars 2025. Son expérimentation vient d'être prolongée jusqu'en 2027.
L'œil des JO
Présentée comme une réponse aux défis sécuritaires posés par un événement d'une telle ampleur, elle repose sur des « caméras augmentées » capables d'analyser automatiquement les flux vidéo pour détecter des anomalies, comme des mouvements de foule inhabituels ou des objets abandonnés. Contrairement à d'autres dispositifs de surveillance, elle ne repose pas sur la reconnaissance faciale, une précision régulièrement mise en avant par les autorités pour rassurer sur son usage.
Initialement, cette expérimentation devait cesser après le 31 mars 2025, le temps d'établir un bilan et d'en mesurer l'efficacité. Pourtant, en février 2025, un amendement discrètement intégré à une proposition de loi sur la sûreté dans les transports a repoussé cette échéance jusqu'au 31 décembre 2027. Le gouvernement justifie cette prolongation par la nécessité d'une évaluation plus approfondie et par le fait que la RATP et la SNCF n'auraient pas eu le temps d'optimiser pleinement leurs systèmes.
Cette décision, adoptée sans véritable débat parlementaire ni consultation du Conseil d'État, a immédiatement suscité des critiques, certains y voyant une tentative d'imposer durablement cette technologie sans en mesurer toutes les implications. Si cette prolongation est officiellement présentée comme une simple phase d'expérimentation, elle ouvre la porte à un déploiement bien au-delà des grands événements...
Craintes et controverses
La vidéosurveillance algorithmique s'invite déjà dans les transports en commun, où elle pourrait devenir un outil permanent pour détecter des comportements jugés suspects. Certains craignent qu'elle ne s'étende progressivement à d'autres espaces publics, instaurant une surveillance automatisée de plus en plus banalisée. La prolongation de la vidéosurveillance algorithmique jusqu'en 2027 soulève un débat plus large sur l'équilibre entre sécurité et libertés publiques.
Si le gouvernement met en avant son utilité pour prévenir certains incidents et mieux gérer les flux dans les espaces publics, son efficacité réelle reste sujette à caution. Les premiers bilans montrent des résultats contrastés, avec des algorithmes parfois imprécis ou sujets à des erreurs d'interprétation. En parallèle, le cadre juridique entourant cette technologie demeure flou : ni le Parlement ni la CNIL n'ont véritablement défini de règles strictes sur son usage, ce qui alimente les inquiétudes sur la protection des données et le risque d'une surveillance excessive.
Des associations comme La Quadrature du Net dénoncent une dérive vers un contrôle généralisé de l'espace public, facilitée par un manque de transparence et d'encadrement légal. Enfin, la question de l'acceptabilité sociale reste entière : la population est-elle prête à voir ces caméras intelligentes s'installer durablement dans son quotidien ? L'absence de débat public approfondi autour de cette prolongation laisse craindre une normalisation progressive, sans que les citoyens n'aient véritablement leur mot à dire.