La faim d'azote est un spectre qui fait trembler bien des jardiniers bio. Elle résulte d'un déséquilibre chimique causé dans le sol par l'apport d'un paillage riche en carbone. Mais il ne faut pas en avoir peur, car il est simple de s'en prémunir, d'autant qu'elle est finalement plutôt de bon augure.
La faim d'azote se manifeste dans les potagers au cours du printemps, lorsque les sols sont encore froids et les éléments nutritifs peu disponibles pour les plantes. Elle apparaît le plus souvent après la mise en place d'un paillis carboné (brun, sec et dur sous forme de feuilles mortes, paille, aiguilles de pin, broyat de bois...) En effet, afin de dégrader cette matière organique, les bactéries du sol, premier échelon de la décomposition, sont obligées de puiser dans la terre, au détriment des végétaux, l'azote qui leur est nécessaire pour cette opération.
Du vert au jaune
Après dégradation, l'azote pouvant être assimilé par les plantes est appelé nitrate. Un sol dépourvu de nitrates provoque le ralentissement ou l'arrêt de la croissance des plantes, et le jaunissement de leur feuillage. C'est le résultat d'une carence en azote. Beaucoup de jardiniers ayant recours au paillage périodique de printemps y ont été confrontés et en sont restés échaudés. En effet, le retard pris au démarrage de la végétation est rarement rattrapé par la suite, et les récoltes s'en trouvent affectées.
La fin de la faim
Heureusement, la faim d'azote disparaît d'elle-même au bout de trois à cinq mois. C'est le résultat d'un rééquilibrage des forces en présence dans le sol avec notamment l'accroissement des azotobacters, des bactéries qui se multiplient par défaut lorsque le capital d'azote du sol a été épuisé. Leur stratégie, plus aboutie, consiste à absorber et utiliser l'azote de l'air pour dégrader les matières organiques. Non seulement, elles ne mobilisent pas l'azote du sol, mais elles absorbent plus d'azote atmosphérique qu'elles n'en consomment. Ce qui veut dire qu'elles en réinjectent dans le sol en quantité relativement importante. Par la suite, une fois le paillage en partie dégradé par les bactéries, la pédofaune en général, et le vers de terre anécique en particulier, peut commencer à s'en nourrir à son tour, et contribuer aussi à libérer de l'azote.
Le début d'un cycle
Tout est bien qui finit bien puisque, non seulement le sol a récupéré plus de nitrates qu'il n'en avait perdus, mais désormais, à condition de pourvoir constamment la pédofaune en nourriture avec un paillage permanent, il n'y aura plus de faim d'azote, au contraire. Toutefois, le temps que l'équilibre se mette en place, il faut bien sauver les cultures qui jaunissent.
Les coupe-faim
Puisque les plantes sont en manque de nitrates, il convient de compenser cette carence. Pour cela, l'utilisation d'un engrais azoté (sang séché, fiente de poules, urine diluée) est le moyen le plus rapide et le plus efficace. À moyen terme, l'apport d'éléments azotés sous le paillage est également une forme de parade : compost ou fumier mûr, déchets de cuisine, tonte fraîche… Enfin, il faut savoir que les plantes légumineuses (fèves, pois, haricots…) se nourrissent directement de l'azote atmosphérique grâce à des azotobacters vivant en symbiose dans leurs racines. Elles sont donc quasiment insensibles à la faim d'azote.