Comment les algorithmes s'emparent des plateformes musicales - Minizap Grenoble
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Comment les algorithmes s'emparent des plateformes musicales

La musique entre dans une ère troublée : des voix sans corps se propagent à la vitesse des algorithmes, gonflant des catalogues déjà saturés et bousculant l'économie de l'écoute. Les plateformes bricolent des garde-fous, les labels réclament des balises et les tribunaux érigent leurs lignes de partage. Entre emballement artistique et brouillard juridique, se joue une bataille discrète mais décisive.

Etta Mae Hartwell cartonne sur Spotify et YouTube, mais n'a jamais mis les pieds en studio : sa voix, ses instruments et son image sont sortis d'un générateur musical. Depuis fin 2023, des outils comme Suno — plus de 50 millions de visites mensuelles — et, dans son sillage, Udio, ont transformé la composition en simple saisie de prompts, avec des empreintes vocales réutilisables et des morceaux prêts à monétiser. Résultat : environ 20 000 nouveaux titres synthétiques arrivent chaque jour sur Deezer, soit près de 18 % des mises en ligne, puis débordent sur Spotify, Apple Music et TikTok, où des chansons IA servent de bande-son à des centaines de milliers de vidéos. Porté par les agrégateurs DIY comme DistroKid, ce flot mélange créativité sincère, opportunisme et usurpations d'identité, tandis que les playlists algorithmiques brouillent la frontière entre vrais groupes et avatars. Etta Mae Hartwell, Eurozia, DV8 ou Léo Castiel cristallisent ce phénomène où tout sonne juste, sauf l'existence même des musiciens.

Une boucle sans fin

L'effet boule de neige vient des algorithmes. Sur TikTok, un titre synthétique devient en un clic un son réutilisable et, comme chez China Styles, peut être repris dans plus de 240 000 vidéos pour 81 millions d'écoutes, avant de filer sur YouTube Shorts, puis vers Spotify via les recherches, les Shazam et les liens en bio. Les métriques qui comptent — taux d'achèvement, partages, ajouts en favoris — dopent les recommandations, tandis que l'esthétique du court format pousse des refrains taillés pour 10 à 30 secondes, que l'IA sait multiplier en variantes. Sur YouTube, les projets identifiés cumulent environ 200 millions de vues et alimentent les carrousels « Artistes similaires » qui relient entre eux d'autres avatars.
Côté playlists, Deezer a sorti les morceaux IA de ses sélections éditoriales, mais ailleurs, des compilations algorithmiques et des playlists tierces brassent sans distinction titres synthétiques et enregistrements traditionnels. L'écosystème de la découverte se referme en boucle : TikTok crée l'étincelle, YouTube amplifie, les agrégateurs convertissent en streams et les radios d'artistes, mixes quotidiens et recommandations cross-plateformes entretiennent la traction, augmentant la pression sur l'attention et la visibilité des musiciens humains.

Ligne de crète

Face à cette déferlante, la bataille se joue sur trois fronts : l'argent, l'étiquetage et le droit. Côté rémunération, Spotify a instauré en 2024 un seuil de 1 000 écoutes annuelles par morceau pour déclencher des royalties, avec l'idée de réallouer « des dizaines de millions de dollars » siphonnés par des uploads ultra-fragmentés et du « functional audio ». Deezer a, pour sa part, étendu son modèle « artist-centric » en surpondérant l'écoute engagée et en déréférençant massivement des contenus de bruitage et des séries de titres manifestement synthétiques.
Au registre de la transparence, YouTube exige désormais la divulgation des contenus générés et promet des labels visibles. Les majors poussent aussi des standards C2PA de provenance. La piste des watermarks « inaudibles », ces certificats secrets attestant de la création via IA, est explorée mais reste fragile.
Quant au volet juridique, il s'organise : Universal, Sony et Warner ont attaqué Suno et Udio pour entraînement non autorisé sur des enregistrements commerciaux. Ces dossiers bouillants se retrouvent actuellement entre les mains des juges, sachant que leurs issues auront des conséquences majeures. L'accord trouvé entre Universal et TikTok au printemps 2024 inclut d'ailleurs déjà des garde-fous anti-clonage et des promesses de partage de valeur.
Entre systèmes de détection sujets aux faux positifs, obligations de signalement encore timides et modèles économiques à recaler, l'industrie cherche une ligne de crête où filtrer, étiqueter et payer sans étouffer l'expérimentation légitime.

City Presse
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