À l'heure où la plupart des légumes ont été ramassés afin d'être soustraits au gel, les poireaux restent vaillamment en place dans le potager. Il est vrai que leur remarquable rusticité autorise les récoltes jusqu'au printemps, et ce, malgré les grands froids. Sous certaines conditions toutefois...
Ils sont rares les légumes qui ne craignent pas le froid, ceux qui peuvent dire, les yeux dans les yeux à l'hiver qui s'avance : « viens, je t'attendais, et tu ne me fais pas peur ». Vous allez dire qu'ils sont rares sans doute parce qu'a priori, la plupart d'entre eux ne sont pas doués de paroles, ne possèdent pas d'yeux et ne savent pas ce qu'est la peur. Oui bon, ça va ! Puisque cette audacieuse métaphore anthropomorphique vous laisse de glace, reformulons notre propos en nous passant des figures de style : ils sont rares les légumes qui ne craignent pas le froid. Le poireau est de ceux-là. Et tant pis pour la poésie.
Trois appelés, un seul élu
Bien que le poireau ait une réputation de grand rustique, seules les variétés dites « d'hiver » sont véritablement aptes à rester en pleine terre durant tout l'hiver. Ces poireaux à croissance lente, « Bleu de Solaise », « Géant d'hiver », « de Carentan », « de Liège » ou « St Victor » sont capables de résister à des températures de l'ordre de – 15 à 20 °C. Semés en mars avril, repiqués au mois d'août, ils peuvent être récoltés de novembre jusqu'au printemps suivant, avant que la plante ne fleurisse et ne monte en graines. Les variétés dites « de printemps » et « d'été », à la croissance rapide, sont plus résistantes à la sécheresse mais ont une rusticité bien inférieure qui n'est pas compatible avec la culture d'hiver.
Vraiment indestructibles ?
Si les poireaux d'hiver sont résistants au gel, ils le sont aussi à la neige. Ils peuvent ainsi passer plusieurs semaines ensevelis sous un épais manteau neigeux et réapparaître en pleine forme après la fonte de celui-ci, et ce plusieurs fois de suite durant l'hiver. Cependant, des épisodes répétés et rapprochés de gel et de dégel, avec des écarts de températures importants entre le jour et la nuit peuvent parfois mener la plante à sa perte, surtout lorsque l'humidité de l'air est importante. En cas de doute, la pose d'un épais paillis ou d'un mini-tunnel permet d'atténuer les effets des variations thermiques trop brusques.
Le froid, ami du palais
Le froid peut être considéré comme un allié précieux du jardinier car il participe d'une certaine manière à l'affinage gustatif des poireaux. En effet, au bout de plusieurs jours de gel, la plante est contrainte de transformer ses amidons en sucre, car ceux-ci possèdent des qualités anti-gel. Si bien que les poireaux sont généralement plus savoureux en sortie qu'en début d'hiver.
Faciliter la récolte
Même lorsque les poireaux ont été buttés et que donc les fûts sont recouverts d'une couche de terre qui les protège en partie des variations de températures, la pose d'un paillage épais reste préconisée. Car une couche de matière organique aérée (paille, feuilles mortes...) de dix à quinze centimètres d'épaisseur permet d'empêcher la surface du sol de geler et donc de durcir. La terre restant meuble et souple, l'arrachage des poireaux, à la main ou la fourche est beaucoup plus facile.
