Les cas conflictuels de séparation peuvent entraîner des manipulations mentales exercées sur l'enfant par l'un des parents. Explications…
Lors de divorces, l'amour peut se transformer en haine. Le partenaire devient un adversaire : l'ancien amant, néanmoins père ou mère de son enfant, est décrit en des termes dévalorisants. Cela peut tout aussi bien surgir dans des familles encore unies où l'un des parents développe une relation captative, fusionnelle ou exclusive avec l'enfant. Le parent aliénant discrédite son (ex-)conjoint rendant l'enfant otage de ce conflit. Durant de longues années, confrontés à cette problématique en recrudescence, les professionnels ne disposèrent guère de modèle théorique leur permettant de réfléchir à l'émergence, à l'évolution et aux conséquences de ce mécanisme. Ce n'est qu'en 1985 qu'un pédopsychiatre et psychanalyste de la Columbia University de New York, Richard Gardner, créa le concept de syndrome d'aliénation parentale.
Les signes chez l'enfant
Richard Gardner a décrit huit points pour définir un diagnostic de SAP. En premier lieu, l'enfant met en place une campagne de rejet et de diffamation contre l'un des parents, sans motifs ou exemples explicites. Il émet une rationalisation absurde et déforme la réalité, invoquant des justifications dérisoires. L'un des symptômes du SAP réside dans le fait que l'enfant ne manifeste aucune ambivalence et développe un comportement excessif dans son jugement de valeur. En présence du couple, avant même que l'un des deux parents se soit exprimé, une position réflexe, comme conditionnée, est adoptée. Grands-parents, mais aussi proches et entourage du parent réprouvé se retrouvent à leur tour rejetés avec vigueur. L'opinion propre mise en avant par l'enfant ne résulte que de la manipulation de l'adulte aliénant, qui le pousse à la présenter comme venant de lui. L'enfant ne ressent aucune culpabilité, du fait de la cruauté supposée du parent adversaire, suite au lavage de cerveau exercé. La jeune victime se laisse guider par des scénarios fabriqués par le parent qui l'endoctrine.
Ces symptômes sont visibles selon différents degrés. Dans un cas d'intensité faible, tous les critères ne sont pas manifestes : la relation parent-enfant est encore fonctionnelle. Une situation d'intensité moyenne révèle tous les symptômes, mais l'enfant se calme lorsqu'il est gardé par le parent rejeté. Dans 5 à 10 % des cas, la relation avec le parent rejeté est définitivement rompue ou en voie de l'être, sans aucun rapport avec la qualité du lien qui les unissait jusque-là.
Un processus qui engendre de la souffrance
Cette manipulation psychique qu'un parent exerce, parfois sans en avoir conscience, est une véritable maltraitance infligée aux enfants : ces derniers sont à la fois victimes et instruments d'une vengeance qui les dépasse. Le dénigrement de l'autre parent se met en place souvent progressivement à travers des entorses faites sur les conditions de garde. Ce trouble de l'enfance survient en effet presque exclusivement dans un contexte de dispute concernant le droit de garde. On ne donne pas un carnet de santé, on refuse de passer le téléphone à l'enfant quand l'ex-conjoint appelle, on prévoit des activités extrascolaires sur le temps qui lui est imparti. Le comportement du parent aliénant se révèle dramatique pour la construction psychique de l'enfant. L'enfant victime a un raisonnement totalement manichéen : selon lui, un parent ne présente plus que des défauts, l'autre, que des qualités. L'enfant ne retrouve même plus un seul bon souvenir avec le parent rejeté… Cette réalité est source de beaucoup de souffrance chez l'enfant et peut contribuer à construire chez lui une personnalité perturbée, dont les effets sont visibles dans le présent,et pourront perdurer longtemps. Pris dans un conflit de loyauté, il se voit contraint de choisir entre son père et sa mère. Une décision qu'un enfant n'a pas à prendre. C'est à la justice d'arbitrer le conflit : le jugement rendu est souvent la seule solution pour endiguer l'emprise de l'adulte aliénant. L'enfant peut se voir placé dans un lieu d'accueil neutre. Le parent rejeté doit s'armer de patience pour renouer des liens rompus, retrouver sa place de parent aimant et aimé.
